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Sur Le Gaucher (1958) de Arthur Penn
Paul Newman dans Le Gaucher, Arthur Penn (1958)

Le Festival La Rochelle Cinéma nous propose de belles surprises et des restaurations inédites, c’est pourtant vers les redécouvertes de plus ou moins grands classiques que notre cœur se tourne aujourd’hui. Arthur Penn, artiste à l’honneur de cette 47e édition, nous a offert l’un des plus beaux films du festival : Le Gaucher réalisé en 1958. Ce western trace le parcours de William Bonney, héros solitaire errant de règlements de compte en accalmies. Découvert au versant d’une montagne, assoiffé puis rescapé, le cavalier rejoint le groupe de Tunstall, un éleveur de l’Ouest. Les deux hommes se lient d’amitié, et lorsque ce dernier est lâchement assassiné, William ne voit pas d’autre chemin que celui de la vengeance.
L’histoire racontée est celle de Billy the Kid, de son érection en persona au rôle qu’il devra endosser. Pourtant c’est péniblement que se créera la légende au prix du destin d’un homme. Car si le film paraît avancer d’un pas assuré vers la sacralisation, c’est en titubant que William Bonney assassine un à un les hommes sur son chemin, ôtant tout brio à la démonstration. Le cowboy — fervent adepte des représailles — semble en constant décalage avec la mentalité de l’époque où, fatigué de la mort c’est à la loi que l’on désire désormais faire appel. L’amnistie est déclarée, mais jamais William ne s’y pliera, se mettant tous ses amis à dos. À cet instant, la souffrance — véritable sujet du film — se manifeste à nous sous les traits de l’acteur. Le cavalier ne sait s’adapter à ce bouleversement, marche de travers au sein de ce film qui désire l’accueillir. Car c’est les bras grands ouverts que l’intrigue ménage une place au cowboy et les occasions de rédemption de manquent pas. Néanmoins les cadavres s’empilent, la confiance des protagonistes s’effiloche et le sourire de William se crispe à mesure de son inadaptabilité. Seul au sein des plans les actions du personnage laissent le spectateur interdit, dans l’attente sans doute de la cohérence propre aux légendes.
Aucune évolution ne lui semble permise, le récit créé est celui d’un apatride idéologique. Le film à deux vitesses échappe néanmoins à une trop grande cruauté en allouant à son héros un moment de répit, instant d’accord entre intériorité et environnement. Aux derniers plans du western, seul dans la pièce où son ami est mort c’est à un relatif et salutaire apaisement qu’accède Billy. Il saisit la flûte de son acolyte, la porte à ses lèvres et timidement souffle ce qu’il n’a jamais pu dire, une note à la justesse du mythe. C’est en William que l’homme est arrivé et c’est en Billy qu’il est mort.